Zoom sur l’organisation de sommets sur l’Afrique

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Introduction

L’Afrique occupe une place prépondérante dans les relations internationales, autant sous l’aspect géopolitique qu’économique. Le continent dont la population est estimée à 1.336.202.000 d’habitants et dont la croissance économique tourne autour de 3,5% en 2018[1], est dans un contexte multidimensionnel qui lui confère une attractivité et une actualité qui en font un sujet au centre des débats dans le monde. Outre ses capacités économiques et ses ressources humaines, chaque pays africain demeure important dans l’univers des relations internationales d’un point de vue stratégique. Dans un univers géopolitique déjà contrasté avec la présence des différentes forces issues de la colonisation, les grandes puissances ont besoin davantage aujourd’hui d’y marquer leur présence mais aussi et surtout, de se lier en partenariat avec le continent africain où tout est encore à faire.

L’Afrique a toujours été un vaste marché que toutes les grandes économies du monde voudraient intégrer, et qui motive pour chacune d’entre elle l’élaboration d’une politique africaine spéciale. La France qui est déjà sans doute la puissance la plus présente en Afrique (dans le cadre géopolitique) du fait de sa communauté francophone, s’installe dans la perspective de fidéliser ses acquis mais aussi d’étendre son partenariat avec les autres pays non francophones. La Chine qui a fortement accru sa présence en Afrique depuis le début des années 2000, est en quête de nouveaux marchés pour ses entreprises et de nouvelles pistes d’investissement. Les Etats-Unis qui se sont faits un peu volés la vedette sur un continent dominé par la présence européenne, voudraient bien rebâtir un partenariat solide avec les pays africains. Le Japon aussi cherche à agrandir la liste de ses « pays amis » en Afrique, avec qui il entreprend des coopérations qui ont duré et tente aussi, au même titre que la présence chinoise, d’investir dans un vaste marché en ébullition. Sous cet angle, des pays émergents qui ont autant besoin de partenaires économiques que stratégiques, tentent aussi de polir leurs relations avec l’Afrique. C’est le cas de la Turquie et de l’Inde.

Vu l’urgence de se frayer un chemin dans cette concurrence dans laquelle la domination du marché africain et la liaison de partenariats stratégiques demeurent la finalité principale, quel instrument diplomatique est prisé des grandes puissances ? C’est particulièrement l’organisation de sommet sur l’Afrique ou avec l’Afrique, qui est de mise. Cet article vise donc à découvrir les multiples objectifs de ces sommets entre les puissances économiques et l’Afrique, leurs historiques, leur périodicité et leurs impacts sur le continent. C’est à travers ces variables que nous allons étudier les sommets Afrique – France, Chine – Afrique, Etats-Unis – Afrique, Japon – Afrique, Turquie – Afrique et Inde – Afrique.

Généralités des sommets organisés au sujet de l’Afrique

Les sommets portant sur l’Afrique sont généralement d’ordre économique, politique ou sécuritaire. Chaque grande puissance en fait une occasion spécifique de tisser des liens particuliers avec les différents pays africains et offre un cadre relationnel spécifique qui le distingue de ses concurrents sur le continent. A travers des accords de coopération et de partenariat fixés entre les entités, cela détermine le type de relation que le pays organisateur (grande puissance) désire avoir avec l’Afrique au cours des années à venir. C’est pourquoi, les sujets débattus au cours des sommets dépendent généralement de la politique étrangère fixée par le pays envers les Etats africains. D’où la nécessité de les étudier de manière isolée suivant les grandes puissances organisatrices et le contexte historique de leur organisation.

Le Sommet Afrique-France 

Initialement appelé France-Afrique, le sommet a revêtu plus tard le nom de Sommet Afrique-France. Même s’il peut y avoir d’autres types de sommets associant l’ancien métropole et l’Afrique, celui-ci est le plus important et entre directement dans la ligne de politique africaine établie par la France. Ce sommet créé le 13 Novembre 1973 par George Pompidou[2], l’ancien Chef d’Etat français, avait été initié dans le but sans doute d’avoir une relation plus spécifique sur le continent avec particulièrement les anciennes colonies françaises. Il était question pour la France d’alors de continuer à avoir une influence dans le monde francophone africain, autant dans une perspective politique qu’économique.

L’organisation de ce sommet n’a pas toujours eu une périodicité juste. Entre la 2e édition organisée à Bangui en 1975 et la 15e qui s’est déroulée en 1988 à Casablanca, le sommet a été organisé chaque année. De 1990 à la dernière édition en 2017, il s’est déroulé tantôt tous les deux ans, tantôt tous les trois, prenant même un écart de 4ans entre 2013 et 2017.

Si le Sommet Afrique-France a toujours eu une connotation politique, l’économie, comme dans tous les sommets internationaux, s’est toujours invitée à la table des discussions, surtout depuis le sommet de la Baule en 1990, où le Président français d’alors Valérie Giscard d’Estaing, avec arrimé l’aide financière à la démocratisation. “La grande bascule a lieu entre 1990 et 1994. Entre les deux, il y a celui de La Baule où Mitterrand lie l’aide à la démocratisation. En 1990, le sommet a évolué vers la transition des relations, une normalisation autour du développement »[3] affirme Jean-Pierre Bat historien français dans un entretien accordé au journal Le Figaro.

Les objectifs spécifiques de ces sommets entre la France et l’Afrique ont toujours tourné autour de résolution des problèmes dans le cadre économique mais aussi et surtout sous le signe du renforcement des partenariats pour la sécurité au cours de la dernière décennie. Sous la menace terroriste en l’occurrence, le cas du Mali et des groupes terroristes au Sahel a été au cœur des discussions lors des sommets de 2013 et 2017.

İl faut aussi noter que ce sommet, bien qu’il associe les pays anglophones, a toujours été dominé par les francophones. “Les anglophones demeurent à la marge” comme le souligne le Jean-Pierre Bat. Leur intégration est surtout liée à une question d’élargissement des partenariats économiques en Afrique pour la France.

Le Sommet Sino-Africain

Le sommet sino-africain intitulé Forum de Coopération entre l’Afrique et la Chine a été initié en 2000 et s’est déroulé à 7 reprises. La dernière édition a été organisée les 3 et 4 septembre 2018 à Beijing. Le sommet se déroule tous les 3ans depuis sa création.

Les relations entre la Chine et les pays africains sont essentiellement économiques et se sont ces préoccupations pécuniaires qui s’invitent naturellement à chaque sommet. Mais si ce rendez-vous est devenu très suivi et à succès c’est que la Chine a damé le pion en Afrique à toutes les autres puissances occidentales.

Aujourd’hui, la Chine est devenue le premier partenaire commercial des pays africains. Ce sommet avec l’Afrique a permis indéniablement à la Chine de polir sa relation avec le continent noir et surtout d’intégrer grandement le marché. De 2000 à 2007 par exemple, le commerce entre la Chine et Afrique a été multiplié par 7, passant notamment de 10 à 70 milliards de dollars[4], allant jusqu’à 145 milliards de dollars en 2017. Lors de la dernière édition en 2018 une promesse de 60 milliards de dollars d’aide a été faite par le pays de Xi Jinping.

La présence de la Chine en Afrique est palpable dans tous les secteurs (Agriculture, infrastructures, métallurgies, …). Même si les prêts qu’accorde le pays de Mao sont particulièrement onéreux, les présidents africains en demeurent très friands. Cependant, même si les sommets sino-africains demeurent sous le prétexte de discussions économiques, des considérations politiques commencent à y voir de jour. Ce qui est une suite logique puisse que, l’Empire du milieu entend bien sécuriser ses investissements en Afrique. C’est peut-être sous cet angle qu’il faut inscrire le Forum de sécurité et de défense auquel ont été conviés les militaires africains en juillet 2018 à Pékin[5].

Le Sommet Etats-Unis – Afrique

Pour une première fois, les puissances européennes et asiatiques peuvent se targuer d’avoir damé le pion aux Etats-Unis sur des pratiques visant à améliorer leurs relations avec l’Afrique. En effet, ce n’est qu’en 2014 que s’organise, sous la gouvernance de Barack Obama, le premier sommet Etats-Unis – Afrique. C’était la première fois qu’un président américain recevait autant de chefs d’Etats africains (50 pour être précis).

Dans cette rencontre il était question comme on s’y attendait, de parler économie, sécurité mais aussi bonne gouvernance qui reste un des soucis majeurs des Etats-Unis dans le cadre de la mission qu’ils se sont fixés pour l’Afrique. Ce sommet donne d’abord aux Etats-Unis l’occasion de développer les axes de leurs coopérations économiques et commerciales avec l’Afrique, symbolisées par l’AGOA (African Groth Opportunity Act) qui permet aux pays africains d’exporter des produits sur le marché américain sans droit de douanes, en retour les Etats – Unis bénéficient d’un large accès au marché du pétrole africain, particulière au niveau du Golfe de Guinée.

Ce sommet est aussi l’occasion pour les investisseurs américains et les pays africains, de tracer des lignes de promesses d’investissement et d’initier des rencontres entre la société civile africaine et américaine. C’est aussi l’opportunité pour les Chefs d’Etat de convaincre sur la bonne santé de leur gouvernance et de dérouler une stratégie de séduction visant à dépeindre l’image stéréotypée que les investisseurs américains peuvent avoir de l’Afrique et qui les empêche de faire le grand bon en avant sur le continent. C’est ce qu’affirme notamment Amadou Sy chercheur sénégalais à Brookings İnstitutions : « La perception de ce continent comme le haut lieu de toutes les pandémies et de toutes les terreurs a longtemps dissuadé les entrepreneurs américains d’y prendre pied.[6] ».

En outre, ce sommet permet à l’Afrique de renforcer son partenariat avec les Etats-Unis dans le cadre de la sécurité et de la lutte anti-terroriste. Le pays de Lincoln participe massivement à renforcer les systèmes de sécurité sur le continent avec des programmes de formation et un apport logistique dans les zones de tensions, en plus de l’envoi de troupes.

Le Sommet Japon-Afrique

Le Japon a très tôt ressenti le potentiel de l’Afrique et a toujours eu le souci d’interagir avec le continent dans une structuration de partenariat. C’est dès 1993 que le premier sommet Japon – Afrique a eu lieu, dénommé encore TICAD (Tokyo International Conference on Africa Development). Il y a deux mois, précisément du 28 au 30 août s’est déroulé la 7e édition dans la ville de Yokohama. Ce rendez-vous entre le Japon et le continent noir se déroule tous les 5ans.

Le Japon, à la différence des autres puissances présentes en Afrique, axe sa politique africaine sur les ressources humaines. Si ce sommet porte sur les échanges commerciaux et sur l’économie comme les autres à première vue, c’est aussi une occasion pour les deux pôles de tracer des partenariats de formation et d’expertise. Comme l’a affirmé le Ministre sénégalais de l’Economie lors de la 7e édition, « le Japon peut nous aider à former nos jeunes, nous apporter des techniques, on peut travailler ensemble au moment où la TICAD est de plus en plus tournée vers le secteur privé ».

Ce sommet permet par ailleurs au Japon de rafraîchir ses relations économiques avec l’Afrique au moment où l’autre géant asiatique à savoir la Chine, est en boom sur le continent. C’est même cette concurrence avec l’Empire du milieu qui donne à la TICAD une connotation de plus en plus politique. Dans cette perspective Sébastien Le Belzic écrit : « cet événement triennal, dont la première édition s’est tenue en 1993, a longtemps été très protocolaire. Mais il a pris ces dernières années un tour plus politique. Car, à travers la TICAD, c’est son ennemi juré, la Chine communiste, que vise le Japon »[7].

Sommet Turquie – Afrique

Le principal sommet Turquie – Afrique s’est tenue la première fois en 2008. La seconde édition s’est déroulée en 2014 à Malabo en Guinée Equatoriale. Le 3e sommet devrait être organisé en 2020. Ces rencontres entre la Turquie et les pays africaines entre dans les projets d’Ankara qui aspirent, comme les autres puissances, à renforcer ses partenariats économiques et commerciales avec le continent.

Le sommet Turquie – Afrique est l’occasion de part et d’autre de discuter économie, agriculture, énergie et éducation. La Turquie, qui est loin des aspirations colonialistes ou impérialistes qui peuvent être imputées aux autres puissances, voit l’Afrique comme un partenaire de développement. La Turquie peut se targuer d’avoir avec une relation stratégique avec plusieurs pays africains, ce qui lui a permis d’avancer sur le continent dans sa lutte contre l’organisation terroriste FETO.

Le dernier sommet en 2014 a notamment permis à la Turquie et à l’Afrique d’envisager surtout des coopérations dans le cadre de la culture, du tourisme et du commerce. Pour le pays d’Atatürk, la présence sur le marché africain est une véritable aubaine et un impératif dans la relation de solidarité que les deux entités tentent d’établir.

Sommet Inde – Afrique

L’Inde a toujours été un allié privilégié de l’Afrique, et ceci depuis la période de la Colonisation et de la guerre froide. Si les deux entités ont l’habitude de fixer des rencontres de discussions commerciales, le premier sommet Inde – Afrique a été tenu en 2008. Entre temps, deux éditions se sont déroulées en 2011 et 2015.

Si les indiens ont été l’un des premiers pays émergents à être présents en Afrique, dans le marché de l’automobile et pharmaceutique en l’occurrence, aujourd’hui ils doivent eux aussi faire face à la Chine. Le dernier sommet à New Dehli a été l’occasion pour le Chef d’Etat indien Narendra Modi de dérouler son “soft power” vis à vis de ses homologues africains. Le président veut faire de la séduction diplomatique pour davantage s’ouvrir les marchés des hydrocarbures et des matières premières en Afrique.

Conclusion

Aujourd’hui l’Afrique est le carrefour des intérêts économiques et demeurent un terrain stratégique que toutes les grandes puissances et les pays émergents ont envie de conquérir. İl est un impératif pour chacun d’entre elles de dérouler donc une politique africaine qui lui permettra d’avoir une longueur d’avance sur ses concurrents. C’est pourquoi on assiste, depuis plusieurs années à l’organisation d’une pléthore de Forum et de sommets où l’Afrique est au centre des discussions et subit une véritable démonstration de séduction. Ces rencontres sont généralement l’occasion pour les pays africains représentés, d’attirer les investisseurs du pays hôte, de tisser de nouveaux partenariats économiques, de sécurité ou de santé ; c’est l’opportunité pour eux de mettre en relation leur société civile avec les autres et de leur offrir des moments de partage et de discussion pour le futur de l’Afrique. C’est pour les pays développés généralement d’annoncer leur politique africaine futur et de renforcer leur présence et leur influence sur le continent.

Si la France a réussi jusque-là tant bien que mal à dominer le monde francophone africain, elle devrait quand-même en faire un peu plus dans sa stratégie de politique africaine conformément aux nouvelles réalités socioéconomiques africaines, pour espérer garder ce leadership, étant donné que la jeune génération essaye aujourd’hui de se départir de cette “paternalité” française.

Les Etats – Unis quant à eux risque davantage de perdre du terrain en Afrique. Sachant que le président Donald Trump ne jouit pas d’une excellente réputation sur le continent et que sa politique africaine est au point mort quand on le compare à Barack Obama l’initiateur du sommet Etats-Unis – Afrique, les américains risquent d’avoir beaucoup de mal à stopper l’expansion chinoise qui demeure aujourd’hui leur principale rivale.

Tokyo quant à lui jouit d’un changement de paradigme qui lui permet d’espérer tisser des liens plus forts avec le continent. Les pays émergents comme la Turquie et l’Inde coulissent bien mais gagneraient à renforcer l’impact médiatique de leur sommet et de multiplier les espaces d’échanges avec la jeune population africaine.

References:

[1] LeMonde, AFP. “En Afrique la forte croissance économique peine à réduire le chômage et la pauvreté”. LeMonde. Lemonde.fr (Consulté le 30/09/2019)

[2] Jean-Michel Cedro. “Les sommets France/Afrique depuis 1973”. LesEchos, publié le 31 mai 2010. URL: https://www.lesechos.fr/2010/05/les-sommets-franceafrique-depuis-1973-440640

[3] Tanguy Berthemet. “Les sommets Afrique-France servent-ils encore à quelques choses.” Lefigaro Publié le 13 janvier 2017. URL: https://www.lefigaro.fr/international/2017/01/13/01003-20170113ARTFIG00055-les-sommets-france-afrique-servent-ils-encore-a-quelque-chose.php

[4] Jean Raphaël Champonnière. “L’aide chinoise à l’Afrique: origines, modalités et enjeux”. Dans l’Economie Politique Volume [n°38] (2008) : 7. https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2008-2-page-7.htm?contenu=article (Consulté le 30/09/2019)

[5] Simon Leplâtre.”Pékin organise le premier forum sino-africain sur la défense et la sécurité”. RFİ, publié le 27-06-2018. URL: http://www.rfi.fr/afrique/20180627-chine-forum-sino-africain-defense-securite

[6] Tirthankar Chanda.  « Etats-Unis/Afrique : Nous assistons à changement de paradigme “. RFİ. http://www.rfi.fr/afrique/20140731-amadou-sy-sommet-des-leaders-africains-etats-unis-washington-aout-2014 (Consulté le 02/10/2019)

[7] Sébastien le Belzic, « L’Afrique ne devrait pas avoir à choisir entre le Japon et la Chine”. Lemonde.fr. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/29/l-afrique-ne-devrait-pas-a-choisir-entre-le-japon-et-la-chine_5504241_3212.html (Consulté le 20/10/2019)

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Yazar Hakkında

Alioune Aboutalib LÔ 1992 yılında Senegal'in Thies şehrinde doğdu. Lise eğitimini Malick Sy Lisesi'nde tamamladı ve ardından 2014 yılında Thies Üniversitesi Bilgisayarlı Organizasyon Yönetimi bölümünden mezun oldu. 2017 yılında aynı üniversiteden "Banka Finansmanı ve Sigortacılık" alanında yüksek lisans derecesini aldı. 2019 yılında İstanbul Medeniyeti Üniversitesi Uluslararası İlişkiler Anabilim Dalı'nda başladığı yüksek doktora eğitimini sürdürmektedir. İlgi alanları Yumuşak Güç, Dış Politika, Yükselen Güçler ve Afrika'dır.

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